Un article sur la sensibilité émotionnelle et la violence dans l'enfance

Hypersensibilité et intuition

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Certaines personnes sont plus sensibles que d'autres aux signaux émotionnels et intuitifs. Mais d'où vient cette sensibilité ? Est-ce un don inné ou peut-on l'apprendre ? Et comment les personnes concernées vivent-elles cette hypersensibilité ? Une piste se dessine dans l'enfance, marquée par la violence.

Certaines personnes développent une étonnante capacité à deviner les émotions, et sentir ce qui se passe autour d'eux. On les appelle aujourd'hui les hypersensibles. Un atout pour la vie ?

D'autres parlent d'une capacité à percevoir un monde fait d'énergies subtiles et même de communication avec l'au-delà. Il semblerait qu'il y ait des individus qui soient plus sensibles que d'autres à certains signaux. Avant d'aller plus loin, je vous propose de les classer en deux catégories : d'un côté, les intuitions de type émotionnel / relationnel, comme par exemple deviner les émotions, qui correspond à une certaine forme d'empathie, et de l'autre, les intuitions de type prémonition / voyance.

Ce que j'aimerais évoquer avec vous aujourd'hui – une fois n'est pas coutume – ne concerne pas la véracité de ces intuitions, car cela reviendrait à conclure que parfois elles se vérifient et parfois elles ne se vérifient pas. Non, j'aimerais que nous nous intéressions à leur origine. D'un point de vue humain, d'où viennent ces capacités ? S'agit-il d'un don ? Est-ce inné ? Peut-on apprendre à développer cette sensibilité ? Ou au contraire, peut-on s'en défaire ?

Don ou malédiction ?

Comment vivent les personnes concernées par cette sensibilité, que pensent-elles de ce qui est souvent perçu comme utile par ceux qui n'ont pas cette sensibilité. En tant que psychothérapeute, j'ai eu l'occasion observer de nombreux cas et constaté que trois tendances semblaient se dessiner.

  • Les personnes pour qui cette sensibilité est clairement un avantage, elles l'utilisent souvent, peuvent s'en vanter, et vont même parfois jusqu'à en faire leur fonds de commerce.
  • Celles pour qui cette sensibilité n'a pas vraiment de sens, ils ne savent pas qu'en faire ou parfois en ont peur.
  • Celles pour qui c'est un désavantage, car cette sensibilité les rend perméables à toute sorte de choses, en général ils n'aiment pas trop en parler. C'est surtout avec les gens qui correspondent à cette dernière tendance que j'ai pu échafauder une hypothèse quant à l'origine probable de ce 6e sens.

L'origine est à chercher dans l'enfance

Je me suis posé la question : à quoi peut bien servir cette sensibilité quand on est enfant ? Pour moi, il y a clairement une fonction d'anticipation, avec but de protection. Ensuite j'ai observé et remarqué que toutes ces personnes avaient un point commun dans leur histoire passée, leur enfance : la violence.

Le tableau le plus courant que j'ai pu observer ressemble à ça : d'un côté, nous avons la violence d'un des parents qui prend une forme souvent inattendue et imprévisible (par exemple, une colère hors contexte, une violence verbale, des cris, des critiques), puis en face, la détresse, la fragilité de l'autre parent, qui subit la violence et peut se refermer (cherche à éviter le conflit, se victimise). C'est une violence invisible, cachée, psychologique, considérée comme "normale", d'où l'intérêt de développer un 6e sens, une sensibilité, car cela permet non seulement de prévenir la violence, de l'anticiper pour mieux s'en protéger, mais aussi de mieux comprendre, ressentir le parent en détresse pour l'aider, voire le protéger. Peut s'ajouter à ça une autre forme de détresse du ou des parents concernant des blessures non-réglées de leur propre histoire, dont ils ne parlent pas ou peu, entretenant un déni de leur propre souffrance et une forme de mystère que l'enfant peut ressentir sans pouvoir identifier. Les gens ayant eu une enfance similaire à cela peuvent développer une sensibilité et une intuition de type émotionnel / relationnel, pouvant les amener à avoir envie d'aider les autres, de changer le monde, et peuvent naturellement se diriger vers la relation d'aide (psychologue, assistant social, coach, etc.)

Pour ce qui est des intuitions de type prémonition / voyance, j'ai pu observer un profil similaire à ce que je viens de décrire, mais avec une violence un cran au-dessus. À la violence psychologique d'un des parents, et/ ou la fragilité de l'autre, s'ajoute une atteinte à l'intégrité physique avec des abus de type violence physique, attouchements, voire abus sexuels, qui ne sont pas forcément commis envers l'enfant, mais aussi sur le parent victime.

Une atteinte intolérable à l'intégrité de l'enfant

Quoi qu'il en soit, la sphère individuelle de l'enfant n'a pas été respectée, et les limites ont été franchies. C'est une forme d'agression et de manque de soins à laquelle l'enfant réagira en développant une sensibilité qui l'accompagnera toute sa vie.

Lorsque l'on détruit l'enveloppe psychique de l'enfant, on créée inévitablement une perméabilité qui peut se manifester par une sensibilité hors-normes.

Une perméabilité aux émotions d'autrui

Ne pas avoir été respecté dans sa bulle privée dans une phase aussi importante du développement a aussi des conséquences durables sur la capacité à définir où se trouve la limite entre moi et l'autre. Ce qui peut donner, en présence d'une personne proche, si elle se sent mal, je me sens mal. Si elle est en colère, je peux avoir le sentiment que c'est de ma faute. C'est une perméabilité causée par l'atteinte qui est faite à à l'intégrité psychique, et/ou physique. D'autre par, plus la violence est forte, plus la perméabilité est grande, et plus la sensibilité est grande.

Intuition, sensibilité et prémonition sont pour moi à prendre comme un symptôme qui indique que l'individu a été en présence de violence dans son enfance.

Quelle réponse apporter ?

Aujourd'hui, de nombreuses personnes avec ces capacités se demandent s'il ne serait pas naturel de trouver une activité dans laquelle elles pourraient les utiliser. D'autres ne veulent, ou n'osent pas franchir le pas. D'autres en ont peur. Mais est-ce un choix judicieux pour autant ?

Pour moi, la question n'est pas là. Le problème qui va se poser est que ce "don" est un cadeau empoisonné, car il est l'expression d'une adaptation à la violence, à la détresse, à l'isolement. Vouloir utiliser ces capacités dans le but d'aider l'autre, ou d'en tirer avantage et profit va enfermer l'individu dans un déni qui ne lui permettra pas de réaliser les causes réelles de son mal-être.

Malgré toute sa sensibilité, toutes ses capacités à deviner, à anticiper, il y a une chose à côté de laquelle il passera à coup sûr, c'est la cause réelle de sa propre souffrance.

Vers le développement d'une authentique empathie

Plutôt que de chercher à développer ces capacités, à les utiliser, ou apprendre à ne plus en avoir peur, je proposerais plutôt de faire un travail introspectif sur la violence dont ces personnes ont certainement été victimes enfants.

Car une fois la personne libérée de son passé, de la violence enregistrée dans son corps, elle pourra alors développer une véritable empathie, qui ne sera plus basée sur la peur et l'anticipation, mais sur l'amour de soi et de l'autre.

Julien Frère

Julien Frère

Entrepreneur suisse dans le domaine de la santé, passionné de psychologie, de développement personnel et de technologie. Je suis ici pour partager mon expérience et vous aider à développer votre autonomie mentale et professionnelle.